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Bien entendu, tu es déboussolé, perdu,
traumatisé et donc pour le moment ta priorité
n'est pas de porter plainte. D'ailleurs, tu ne sais
pas si tu le feras un jour (tu as bien le temps de
réfléchir, je te dirai combien de temps en te
parlant du délai de prescription plus loin). Quoi
qu'il en soit, au jour d'aujourd'hui, même si c'est
dur, tu dois agir comme si tu portais plainte (même
si tu décidais de ne pas le faire). Pourquoi ?
Pour sauvegarder les preuves. Ainsi, si tu
décides de porter plainte ultérieurement, cela sera
beaucoup plus facile de prouver les faits, donc tu
auras moins d'hésitation à le faire. Comment ?
La première chose à faire est de conserver dans
un sac tes vêtements souillés (petite culotte, et
vêtements s'il y a du sang dessus). Ne te lave
surtout pas. Vas chez le médecin avec ou sans adulte
référent. L'idéal est voir un médecin agrée par
la justice (téléphone au Tribunal, service du
Parquet pour leur demander les coordonnées). Je te
rappelle qu'un médecin est soumis au secret médical.
Non seulement il récoltera les preuves pour le
Tribunal, mais il pourra aussi le cas échéant te
faire un test de grossesse et de maladie
sexuellement transmissible et t'apporter les soins
nécessaires.
La deuxième chose à faire est de noter sur une
feuille tout ce qu'il s'est passé dans les
moindres détails : jour, heure, lieu du viol, ce
qu'il t'a fait exactement, les vêtements que tu
portais, les siens, s'il y avait des témoins (leur
nom ou leur description si tu ne les connais pas).
Si tu ne connais pas ton agresseur, note le maximum
de détails sur sa description, comme par exemple ses
tatouages etc.. Pourquoi ? Car l'état de sidération
aura pour conséquence de brouiller les faits, de les
rendre confus et ensuite ton témoignage, si tu
portes plainte longtemps après, serait bancal,
incomplet, incohérent, et le doute profiterait à ton
agresseur qui serait alors acquitté. Et même si tu
décides de ne pas porter plainte, garder clairement
en mémoire les faits peut t'aider paradoxalement à
te reconstruire.
Quoi qu'il en soit, si tu veux que les viols
cessent, le meilleur moyen pour y mettre un terme
est de les mettre en lumière en brisant le silence
et en dénonçant ton agresseur auprès de ton
entourage, même si c'est très difficile. L'idéal est
de te tourner vers l'adulte avec lequel tu te sens
le plus en confiance. Enfin, je rappelle qu'il est
important de consulter une association d'aide aux
victimes et d'entreprendre une psychothérapie
(il existe des centres gratuits) afin de ne pas
rester seul, isolé avec ta détresse. Les assistantes
sociales sont également de bon conseil. Ensuite
quand tu te sentiras forte et prête, tu pourras
porter plainte. |
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Définition juridique du viol, de l'agression sexuelle, de l’inceste et peines encourues :
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Le viol :
- Article 222-23 du code pénal : « Tout acte de
pénétration sexuelle, de quelque nature qu'il soit,
commis sur la personne d'autrui par violence,
contrainte, menace ou surprise est un viol. Le viol
est puni de quinze ans de réclusion criminelle. »
- Article 222-24 du code pénal : « Le viol est puni
de vingt ans de réclusion criminelle
lorsqu'il est commis sur un mineur de quinze ans
»;
L'agression sexuelle
:
- Article 222-22 du code pénal : « Constitue une
agression sexuelle toute atteinte sexuelle commise
avec violence, contrainte, menace ou surprise. »
- En 2010, le législateur a rajouté l’article 222-22-1 au code pénal : « La contrainte morale peut résulter de la différence d’âge existant entre une victime mineure et l’auteur des faits et de l’autorité de droit ou de fait que celui-ci exerce sur cette victime. »
- Article 222-27 du code pénal : « Les agressions
sexuelles autres que le viol sont punies de cinq ans
d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende. »
- Article 222-29 du code pénal : « Les agressions
sexuelles autres que le viol sont punies de sept
ans d'emprisonnement et de 100 000 euros
d'amende lorsqu'elles sont imposées à un mineur
de quinze ans » ;
Quelle est donc concrètement la différence entre le
viol et l'agression sexuelle ?
Pour que le viol soit caractérisé, il faut un
acte de pénétration sexuelle. S'il n'y a pas eu
de pénétration, il y a agression sexuelle. Cette
pénétration peut avoir lieu de quelque nature que
ce soit, c'est à dire dans le sexe ou dans la
bouche (fellation), par le sexe, le doigt ou un
objet. Je le répète, il n'est pas nécessaire qu'il y
ait eu violence pour constituer un viol ou une
agression sexuelle. Il peut simplement y avoir
contrainte, menace (même verbale) ou surprise.
Le viol est un crime, jugé par la Cour d'Assises.
L'agression sexuelle est un délit, jugée par le
Tribunal Correctionnel.
L’inceste :
A ce jour, l'inceste n'est pas inscrit dans le code pénal. En droit français, on distingue l'inceste entre personnes majeures et consentantes (toléré même si le mariage demeure interdit) et l'inceste commis sur un mineur de moins de 15 ans, strictement interdit car considéré comme une circonstance aggravante du viol ou de l’agression sexuelle. Si la victime a plus de 15 ans (âge légal de la maturité sexuelle) pour que l’infraction soit qualifiée de viol ou d’agression sexuelle avec circonstance aggravante, il faut une double condition : que l’adulte soit un ascendant légitime, naturel, adoptif ou qu'il ait autorité sur la victime ET que le mineur ne soit pas consentant. S'il est consentant, c’est-à-dire si il n’y a ni violence, contrainte, menace ou surprise, l’infraction pourra néanmoins être qualifiée d’atteinte sexuelle (punissable de 5 ans de prison et 75 000€ d'amende aux termes de l’article 227-25 du code pénal).
Une proposition de loi sur l'inceste avait été adoptée le 8 février 2010 par l’assemblée nationale, puis abrogée par décision du conseil constitutionnel en date du 16 septembre 2011 au motif qu’il la jugeait contraire à la constitution en raison de la définition trop générale de la disposition « membres de la famille ». A ce jour, le sujet est toujours à l’étude.
Qu'est-ce que le délai de prescription ? C'est le
délai légal pendant lequel tu peux engager des
poursuites judiciaires, c'est à dire porter plainte.
Une fois le délai passé, l'action s'éteint.
→
Depuis la Loi n° 2004-204 du 9 mars 2004, si la
victime était mineure au moment des faits ET si les
faits ont été commis par une personne ayant autorité
sur elle ou par un ascendant légitime, naturel ou
adoptif (père, beau père, oncle, professeur,
éducateur, patron...), dans ce cas, le délai est de
:
Pour viol : 20 ans après la majorité (38
ans).
Pour agression sexuelle : 10 ans après
la majorité (28 ans).
→ Si la victime est majeure au moment
des faits OU si elle était mineure, mais
que les faits n'ont pas été commis par
une personne ayant autorité sur elle ou
par un ascendant légitime, naturel ou
adoptif
(frère, cousin, copain, petit ami,
mari...), le délai est de :
Pour viol : 10 ans après les faits
Pour agression sexuelle : 3 ans après les faits.
Si les viols ont été répétés dans le temps, c'est le
dernier viol qui fait courir le délai de
prescription.
A mon sens, ce délai de prescription a pour effet de favoriser l’impunité des violeurs, donc la récidive et de priver la victime de ses droits. En effet, à cause du déni et du stress post-traumatique, bien souvent les victimes ne portent pas plainte dans les temps et ne peuvent pas être entendues par la justice, c’est pourquoi, cette prescription me semble inadaptée (suis-nous sur Facebook afin de signer la pétition).
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Tu peux aller au commissariat de police ou à
la gendarmerie, seul ou accompagné d'un
adulte (pas nécessairement tes parents). Tu peux
également utiliser le service de pré-plainte en
ligne
(voir en liens le site service-public.fr
: comment un mineur peut-il porter plainte).
Autre solution plus simple : écrire au Procureur
de la république du Tribunal de Grande Instance
de ton lieu de résidence. Dans ta lettre, tu devras
mentionner tous les détails dont je t'ai déjà parlé
plus haut. Sache qu'une fois que tu auras fait cette
démarche prés du Procureur, tu ne pourras plus faire
marche arrière, car il peut engager des poursuites
pénales à ta place, même si tu te désistes et
retires ta plainte. Il peut arriver parfois que tu
portes plainte auprès de la police ou de la
gendarmerie et qu'on te dissuade de le faire et te
propose de faire une main courante à la
place. Sache qu'une main courante ne sert pas à
grand chose et n'aura aucune suite judiciaire (c'est
juste pour garder une trace) et que personne (pas
même un gendarme ou un policier) n'a le droit de
t’empêcher de porter plainte. Le plus simple dans ce
cas est d’écrire au Procureur (voir le site précité
pour des modèles de lettre). |
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Dans ce genre de dossier, il n'y a que très rarement
des preuves matérielles, car rares sont les victimes
qui accourent chez leur médecin à la suite d'une
agression (en théorie c'est pourtant ce qu'il
faudrait faire). Pour autant, cela n'empêche pas les
violeurs d'être condamnés. Lorsque tu auras porté
plainte, le Procureur va ouvrir une information
judicaire : il va saisir le juge d'instruction et il
y aura une enquête de police ou de gendarmerie dans
le but recueillir tous les éléments utiles à la
manifestation de la vérité. A ce titre, ton
agresseur sera mis en garde à vue pendant 48 heures.
Tu seras convoqué et interrogé et il y aura une
confrontation avec ton agresseur. Il y aura
également une expertise psychiatrique pour toi et
ton agresseur. A l'issu de cette enquête, il y aura
un procès soit aux assises, si la qualification
retenue par le juge d'instruction est le viol, soit
au Tribunal correctionnel, si la qualification
retenue est l'agression sexuelle. Mais il arrive que
même en cas de viol, la procédure soit
correctionnalisée, c'est-à-dire jugée devant le
Tribunal Correctionnel par des magistrats
professionnels. Il ne s'agit en aucun cas de minorer
la gravité des faits. C'est une simple stratégie
juridique pour permettre d'alléger la procédure et
épargner à la victime le traumatisme des assises en
lui évitant la terrible épreuve du témoignage à la
barre. En outre, les magistrats professionnels sont
en général plus sévères, moins manipulables et moins
imprévisibles qu'un jury populaire d'assises. Enfin,
en cas de manque de preuve, une condamnation a plus
de chance d'aboutir devant un Tribunal correctionnel
qu'aux assises.
Mais que ce soit devant le Tribunal Correctionnel
ou aux Assises, dans les 2 cas il y aura
huis-clos, c'est à dire que l'audience ne sera
pas publique. Si tu témoignes aux assises, l'avocat
ne pourra pas te harceler avec des questions comme
on le voit souvent dans les films américains. En
outre, devant le Tribunal Correctionnel, la
procédure est écrite, cela signifie que tu n'auras
pas à venir témoigner à la barre (tu auras d'ors et
déjà témoigné devant les enquêteurs de police) et tu
n'auras même pas besoin d'être présent(e), tu
pourras te faire représenter par ton avocat, d'où
l'intérêt de correctionnaliser la procédure.
Si tu es mineur et si le viol a été commis au sein de ta famille, le juge peut nommer un
administrateur ad-hoc pour t'accompagner et te
représenter. C'est lui qui va accomplir tous les
actes judiciaires à ta place : se constituer partie
civile en ton nom ; te choisir un avocat (ne
t'inquiète pas pour l'argent, c'est ton
administrateur ad-hoc qui va monter un dossier
d'aide juridictionnelle pour que ta procédure soit
entièrement prise en charge par l'état) ; être
présent lors de tes auditions, la confrontation avec
ton agresseur et pendant le procès ; t'expliquer
clairement la procédure ; réclamer en ton nom des
dommages-intérêts qu'il va ensuite placer sur un
compte que personne (pas même tes parents) ne pourra
saisir et dont tu disposeras à ta majorité. Il peut
aussi faire appel s'il estime le montant des
dommages-intérêts insuffisant ; Il est ton homme/
femme de confiance et tu peux le joindre à tout
moment. Il est là pour t'aider et te soutenir dans
cette épreuve, mais aussi pour te protéger : s'il
estime que tu es en danger dans ta famille, il peut
demander au juge de te placer en foyer ou famille
d'accueil, mais il ne prendra aucune décision sans
t'en parler auparavant. Il ne fera rien sans ton
accord.
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Conclusion : Pourquoi est-il si important de porter plainte. |
Il faut que tu saches que si tu portes plainte et si
ton violeur va en prison, cela ne sera pas de ta
faute : ce n'est pas toi qui l’enverras en
prison, c'est le juge et il ne fera qu'obéir à la
loi. La loi est là pour te protéger car si le
viol est un crime aussi sévèrement puni, c'est
justement parce qu'on sait à quel point le viol est
traumatisant et destructeur, surtout pour les jeunes
en pleine construction de leur personnalité. Ton
violeur aussi le sait. Il sait pertinemment qu'en
agissant ainsi il te brise et te détruit et il sait
aussi ce qu'il encoure «s'il se fait attraper». Non
seulement il agit sciemment, mais en plus c'est là
toute sa motivation, car par définition, un pervers
ne trouve sa jouissance que dans la transgression et
en faisant du mal. C'est pourquoi, si tu portes
plainte et s'il va en prison, il doit prendre ses
responsabilités et assumer seul les conséquences de
ses actes : c'est lui qui a déclenché cette
situation, c'est donc à lui d'en subir les
conséquences. Ce n'est pas à toi à porter le poids
et la responsabilité de cette condamnation et de ce
fait, tu ne dois pas te sentir coupable de quoi que
ce soit car ce n'est pas de ta faute. De plus, il
est important pour toi de porter plainte car ce
faisant, tu te pares du manteau de victime et être
reconnu dans son statut de victime t'aidera
beaucoup à te reconstruire, sans parler du fait que
tu protèges certainement d'éventuelles autres
victimes.
Je ne pourrais qu'insister sur l'importance de
consulter un psychologue qui t'aidera à analyser
et qualifier les faits, à te débarrasser de ta honte
et de ta culpabilité, et à te reconstruire, ce qui
t'incitera plus facilement à porter plainte.
J'espère que ce site t'apportera une aide efficace
et te décideras à le dénoncer, pour que les
agresseurs perdent ce sentiment de toute puissance
et d'impunité et que la honte change de camp. |
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L'Association Peau d'âne

Peau
d’âne est une association loi 1901 reconnue d'intérêt général par l'administration fiscale, visant à informer et soutenir les mineurs victimes de violences sexuelles et leur famille, pour les aider à sortir de leur isolement.
Peau
d’âne propose un soutien et des réponses à tes questions par mail, mais aussi des cercles de parole : parole-viol-gap.blogspot.com.
Peau d’âne c’est aussi des témoignages : tu peux nous laisser le tien à publier de manière anonyme ou via la page facebook de l’association peau d’âne et ainsi échanger avec des personnes ayant vécu une histoire similaire à la tienne, afin de favoriser l’entraide.
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c’est pourquoi nous recherchons : |
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